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vendredi 27 juin 2008

Escargot

Certainement c'est parfois une gène d'emporter partout avec soi cette coquille mais ils ne s'en plaignent pas et finalement ils en sont bien contents. Il est précieux, où que l'on se trouve, de pouvoir rentrer chez soi et défier les importuns. Cela valait bien la peine.
Ils bavent d'orgueil de cette faculté, de cette commodité. Comment se peut-il que je sois un être si sensible et si vulnérable, et à la fois si à l'abri des assauts des importuns, si possédant son bonheur et sa tranquillité. D'où ce merveilleux port de tête.
A la fois si collé au sol, si touchant et si lent, si progressif et si capable de me décoller du sol pour rentrer en moi-même et alors après moi le déluge, un coup de pied peut me faire rouler n'importe où. Je suis bien sûr de me rétablir sur pied et de recoller au sol où le sort m'aura relégué et d'y trouver ma pâture : la terre, le plus commun des aliments.
Quel bonheur, quelle joie donc d'être un escargot. Mais cette bave d'orgueil ils en imposent la marque à tout ce qu'ils touchent. Un sillage argenté les suit. Et peut-être les signale au bec des volatiles qui en sont friands. Voila le hic, la question, être ou ne pas être (des vaniteux), le danger.
Seul, évidemment l'escargot est bien seul. Il n'a pas beaucoup d'amis. Mais il n'en a pas besoin pour son bonheur. Il colle si bien à la nature, il en jouit si parfaitement de si près, il est l'ami du sol, des feuilles, et du ciel vers quoi il lève si fièrement la tête, avec ses globes d'yeux si sensibles ; noblesse, lenteur, sagesse, orgueil, vanité, fierté.
Le parti pris des choses, Françis Ponge
Image : ici

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